lundi 7 janvier 2008

Les relations Franco-Américaines de 1789 à 1969

1789-1830
Les combattants tant Français qu'Américains n'eurent à résoudre que des problèmes communs aux frères d'armes; ils n'avaient pas eu à se préoccuper de politique ni de finances.
Ces deux questions allaient jouer un rôle important dans les années qui suivirent la guerre. Il suffit de dire que la question des dettes soulèvera de pénibles frictions, et que Washington, estimant que le traité avait été signé avec le Roi de France, mit quelque réserve à reconnaître la République et à accueillir son envoyé extraordinaire, le citoyen GENET.
Toutefois, à son début, la Révolution française connaît un écho très favorable aux Etats-Unis, et les victoires de l'armée révolutionnaire contre des troupes étrangères venues soutenir le roi provoquèrent des sursauts de joie outre-Atlantique. La nouvelle de la condamnation à mort de Louis XVI, artisan de l'Indépendance américaine, tempère beaucoup l'enthousiasme populaire. Pour sa part, Washington hésita : devait-il demeurer neutre ou bien reconnaître le nouveau régime et recevoir son représentant, le "citoyen" GENET, lequel n'attendit pas son agrément pour s'imposer et agir avec une telle lourdeur que son rappel fut demandé par Jefferson. Menacé de la guillotine, le "citoyen" demanda asile aux Etats-Unis, et en prit la nationalité.
La mission déplorable de Genet ne fut qu'une des raisons du refroidissement des rapports franco-américains, lorsqu'en 1796 John ADAMS succède à WASHINGTON.

"America bankrupts France" http://www.youtube.com/watch?v=U2oHmIFNW_A&NR=1 William Doyle - University of Bristol
"2000 millions livres = assez pour nourrir 7 millions de Français pendant 1 an"


John Adams

Paris avait très mal pris le traité de Jay (1794) qui autorisait les Britanniques à confisquer les marchandises françaises à bord des bâtiments américains, de même que la France n'a pas apprécié le rappel à Washington de James MONROE, représentant américain très francophile à Paris. De son côté, le gouvernement américain prit ombrage tant de l'arraisonnement par la Marine française de quelque 300 bâtiments américains qui furent bloqués dans des ports français, que du renvoi par le gouvernement de Paris du successeur de Monroe. Les choses se détériorèrent au point que les fédéralistes (l'opposition) demandèrent l'ouverture des hostilités contre notre pays. Le gouvernement "républicain" du Président ADAMS ne cessa de s'y refuser bien qu'en fait, de 1798 à 1800, une guerre navale non déclarée eut lieu entre les Etats-Unis et la France : 80 navires français furent capturés par des corsaires américains. Les Etats-Unis envoyèrent à Paris une première mission qui échoua, mais une seconde aboutit, le 1er Octobre 1800, au traité de Mortfontaine qui liquidait le contentieux franco-américain et établissait entre les deux pays une paix qui n'a jamais été troublée sérieusement depuis.
C'est dans ce climat que put se dérouler l'affaire de la Louisiane. Cette magnifique province, cédée à l'Espagne au traité de Paris, avait été rétrocédée à la France en 1803 sous la pression du Président JEFFERSON. Mais elle fut vendue quelques mois plus tard par le Premier Consul pour 80 millions de francs aux Etats-Unis (qui n'en verseront d'ailleurs que 60).
Restait le problème des arraisonnements de bateaux américains au cours des hostilités entre Français et Américains dans l'Atlantique , NAPOLEON renonça à cette pratique en 1810. De son côté, Londres continua à arraisonner les navires américains, et ce fut la guerre entre l'Angleterre et les Etats-Unis, la "seconde guerre de l'Indépendance", qui dura de 1812 à 1815, et se termina par la belle victoire de la Nouvelle-Orléans (1815), gagnée par le Général JACKSON, aidé efficacement par le corsaire français Jean LAFITTE. La tradition de l'aide française aux Etats-Unis contre l'Angleterre se maintenait.
La France respecta la doctrine établie par MONROE en 1923 qui avait été inspirée déjà par WASHINGTON en son temps, aux termes de laquelle les Etats-Unis s'opposaient à toute ingérence de l'Europe sur l'ensemble du Nouveau Continent en même temps qu'ils renonçaient eux-mêmes à toute immixtion dans les affaires européennes.
Un fait intéressant à noter de l'amitié et de la coopération franco-américaine est la participation d'officiers du génie français, ralliés à Napoléon aux Cent-Jours, et obligés de s'expatrier, à la conception et la construction des principaux forts américains pendant la première moitié du XIX siècle. En particulier, l'on peut citer deux noms : Le Colonel Claudius CROZET et le Général Simon BERNARD.
CROZET, colonel du Génie en 1814, dut s'exiler après WATERLOO et vint en Amérique. Il fut chargé en particulier d'enseigner à WEST POINT et donna au jeune génie américain une formation à la française, suivant les méthodes de VAUBAN et de CORMONTAIGNE (1).
Sur le plan pratique, il fut chargé de l'amélioration des voies de communication (ponts, tunnels) et des canaux, dans tout l'est des Etats-Unis.
Simon BERNARD était un ancien élève de l'Ecole Polytechnique (1794). Lieutenant du génie en 1797, il participe à presque toutes les guerres du Consulat et de l'Empire. Remarqué par Napoléon à Anvers et à Raguse, il fut promu général de brigade en Mai 1814. Rallié à Napoléon en Mars 1815, il combattit à Waterloo. Louis XVIII lui permit de s'exiler aux Etats-Unis, où il arriva à Washington en 1816.
Reçu par le Président MADISON qui le confirma dans le grade de brigadier-général de l'Armée des Etats-Unis, il fut chargé de construire un système de défenses côtières : forts, routes et canaux.
Tout le système de forts s'étendant depuis le Maine jusqu'en Louisiane fut conçu et construit sous la direction du Bureau ayant à sa tête le Général Bernard. Mais la pièce maîtresse de son oeuvre est le fort construit à l'extrême pointe de la péninsule virginienne, le FORT-MONROE, appelé "le Gibraltar de la Baie de Chesapeake".
Il revint en France sous Louis-Philippe en 1831, fut nommé Lieutenant-Général, Inspecteur Général du Génie, et mourut en 1839. Mais son oeuvre américaine devait lui survivre. En particulier le Fort-Monroe eut une importance capitale pendant la Guerre de Sécession.
En 1824, La FAYETTE se rendit à l'invitation qui lui avait été faite, bien avant MONROE, d'effectuer une visite aux Etats-Unis. Ce fut, pendant un an et demi, un voyage triomphal qui le conduisit dans 182 villes américaines et qui se solda par des dons somptueux en terres et en argent.


1850-1878
Cette période est dominée par la terrible "Guerre de Sécession" qui ensanglanta les Etats-Unis de 1861 à 1865 et qui devait entraîner la mort de 700 000 hommes environ, soit 2 % de la population totale (1).
Les causes de cette guerre furent multiples, et elles étaient déjà inscrites en filigrane dans la Déclaration d'Indépendance de Jefferson du 4 Juillet 1776, et dans la Constitution des Etats-Unis de 1787. Nous en citerons les trois principales :
L'intention des Etats du Nord de poursuivre la suppression plus ou moins rapidement de l'esclavage.
Le maintien des droits protecteurs de l'industrie nationale frappant les produits européens au moment de leur importation dans les ports du Sud, au bénéfice de l'industrie des Etats du Nord.
Des rivalités politiques fondées sur la crainte éprouvée par les hommes du Sud, en majorité démocrates, de voir le pouvoir fédéral confié à leurs adversaires du Nord. Longtemps ils l'avaient exercé à leur profit, mais ils sentaient ce pouvoir leur échapper , ils cherchaient en vain à le retenir, et cette prétention était prépondérante puisque ce fut l'élection de M. LINCOLN, républicain (1860), qui devint le signal de l'insurrection.
Face à ce conflit intérieur américain, quelle était la position du gouvernement impérial ?
Celle-ci est concrétisée par la Déclaration du 10 Juin 1861, dont nous donnons ici l'essentiel.
"Maintenir une stricte neutralité dans la lutte engagée entre le gouvernement de l'Union et les Etats qui prétendent former une Confédération particulières"
"Reconnaître le caractère de belligérants aussi bien aux Etats du Sud qu'aux Etats du Nord".
Interdiction faite à "tout Français, résidant en France ou à l'étranger, de s'enrôler ou de prendre du service soit dans l'armée de terre, soit à bord des bâtiments de guerre ou corsaires de l'un ou l'autre des belligérants".
Malgré cette position de "stricte neutralité", l'entourage de l'Empereur et Napoléon III lui-même éprouvaient une sympathie assez marquée pour les Confédérés, non seulement pour des raisons économiques (le coton), mais aussi pour des raisons politiques, estimant que, en cas de victoire du Sud, la France aurait les mains libres au Mexique, ce en quoi ils se trompaient lourdement.
Malgré l'interdiction impériale de prendre du service aussi bien dans l'Armée de l'Union que dans l'Armée Confédérée, de nombreux Français combattirent dans les deux camps.
Si l'on prend les statistiques de 1860, 53 989 Français résidaient alors aux Etats-Unis, dont 35 819 dans le Nord, dont 12 519 dans le New-York, 18 170 dans le Sud, dont 11 522 en Louisiane, pour la très grande majorité célibataires, ou mariés avec des Américaines.
En extrapolant quelques chiffres connus, comme les effectifs du 55e Régiment du New-York, on peut estimer qu'environ 40 % combattirent dans le Nord, soit environ 14 000, et 70 % environ dans le Sud, soit environ 12 000, ce qui fait un chiffre total voisin de 26 000 combattants.
On peut citer les plus célèbres :
1. Dans le Nord, le Général de TROBRIAND qui commanda le 55e Régiment de New-York, baptisé "Gardes La Fayette", composé en grande partie de volontaires français, combattit pendant quatre ans à l'Armée du POTOMAC, et termina la guerre comme Major Général.
Les Princes d'Orléans, le Comte de Paris et le Duc de Chartres, qui servirent à l'Armée du Potomac comme Capitaines aides-de-camp du Général Mac Clellan, et leur oncle, l'Amiral Prince de Joinville qui, à titre personnel, servit de conseiller au Général Mac Clellan qui le tenait en haute estime.
2. Dans le Sud, le Général Camille de POLIGNAC, fils du ministre de Charles X qui se rendit célèbre, le 8 Avril 1864, en remportant la victoire de Mansfield en Louisiane, et qui termina la guerre comme Major-Général de l'Armée Confédérée qui le baptisa le "La Fayette du Sud"...
Bref, les Français qui ont pris position dans cette rude guerre, quel que soit le camp choisi, l'ont fait parce qu'ils étaient fidèles à l'amitié franco-américaine née sur les champs de bataille de Virginie et de Yorktown, quatre-vingts ans plus tôt.
Dans la crise la plus grave qu'aient connue les Etats-Unis depuis le début de leur histoire, la France a montré qu'elle n'était pas indifférente, et c'est cela l'essentiel.
Onze ans après la fin du conflit, le 10 Mai 1876, la "torche de la Liberté" qui devait faire partie de la Statue de la Liberté de Bartoldi fut exposée à l'Exposition Universelle de Philadelphie.

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(1) A titre de comparaison : en 1914-1918, il y eut en France 1 193 000 tués, soit 3 67o de la population totale.


1890-1914
A la fin du XIX siècle, la guerre hispano-américaine tournait au désastre ; Madrid demanda les bons offices de la France pour obtenir un cessez-le-feu le 12 Août 1898. Le 12 Décembre de la même année, les puissances concernées signaient le Traité de Paris qui consacrait Indépendance de Cuba, permettait la cession aux Etats-Unis de Porto-Rico, et autorisait l'occupation de Manille par les Américains.
Finalement, à partir de 1815 jusqu'à la Première Guerre Mondiale, si l'on met à part les engagements individuels de certains Français pendant la guerre de Sécession, les relations entre la France et les Etats-Unis ont été lointaines et de peu d'importance, pour la plus grande satisfaction de ceux des Américains qui tenaient à la doctrine de MONROE.

James Monroe


Première Guerre Mondiale (1914-1918)
L'indignation suscitée aux Etats-Unis par la violation de la neutralité belge n'entraîna pas le gouvernement fédéral, dans un premier temps, au-delà d'une proclamation de neutralité imposée au Président WILSON par son très pacifiste secrétaire d'état William JENNYS BRYAN. D'ailleurs WILSON n'est pas convaincu de la "justice" de la cause alliée. De plus, 6,4 % d'Américains sont Allemands, et 3,4 % de souche irlandaise anti-britannique. WILSON se donne pour mission de défendre les droits des neutres. Mais tout cela évolue lentement à partir du moment où l'Allemagne s'engage à partir de Février 1915 dans une guerre sous-marine. C'est le torpillage du "Lusitania" en 1915. Cette même année, les Etats-Unis échouent dans une tentative de "bons offices" entre l'Entente et l'Allemagne.
Le 22 Janvier 1917, WILSON propose une paix blanche ("Peace without victory") que la France ne pouvait accepter. Peu après, l'Allemagne décrète la guerre sous-marine totale.
Mais c'est une bévue allemande, la "dépêche Zimmermann", qui va servir de détonateur. Dans ce texte, adressé au gouvernement mexicain par le biais de l'ambassadeur d'Allemagne à Washington, Berlin offre à Mexico une alliance et une assistance financière. Il lui fait miroiter non seulement la restitution des Etats arrachés au Mexique en 1848 (Texas, Arizona ... ), mais encore une intervention diplomatique qui constituerait à grouper contre WASHINGTON: Berlin, Mexico et... Tokyo.
En Amérique, c'est l'explosion. Le 9 Mars 1917, Wilson arrache au Congrès l'autorisation d'armer en guerre les navires de commerce américains. Deux navires sont coulés par les sous-marins allemands. Le 2 Avril 1917, les Etats-Unis déclarent la guerre à l'Allemagne.
L'appui de l'Amérique venait à point nommé. Car le moral des combattants était sérieusement atteint. En Avril 1917, l'offensive NIVELLE au Chemin des Dames échoua. Une vague de pacifisme, des grèves, la hausse des prix, et la défection de la Russie faisaient craindre le pire.
"J'attends les tanks et les Américains", devait prononcer le Général PETAIN, nouveau Commandant en Chef. Il avait raison. Jamais, sans l'aide financière et en hommes et en matériel des Etats-Unis, l'Entente n'aurait pu venir à bout de la formidable machine de guerre allemande.
Deux millions d'Américains furent ainsi lancés dans la bataille. Ils devaient en particulier s'illustrer à l'offensive de Saint-Mihiel, lancée par le Général PERSHING le 12 Septembre 1918. Cette opération comportait 216 000 Américains et 48 000 Français en première ligne, et 200 000 Américains en réserve. Le Brigadier Général MAC ARTHUR commandait la 84e Brigade de la "Rainbow Division", et le Colonel George PATTON était le chef d'état-major de la Brigade de chars Renault commandée par le Général ROCQUENBACK. Les forces aeriennes (la plus grande concentration aérienne de la guerre) était commandée par le Colonel américain MITCHELL.
En France, les forces américaines ont perdu 116 000 hommes tués (1) et eurent 206 000 blessés, mais elles sont arrivées juste à temps pour permettre aux alliés d'avoir la supériorité numérique qui, en Avril 1918, appartenait encore aux Allemands.
Grâce à leur intervention, les Américains avaient, le 11 Novembre 1918, payé leur dette à leurs libérateurs français : Rochambeau, La Fayette, de Grasse.


L'entre-deux-guerres (1918-1939)
De 1918 à 1920, c'est la période de la préparation des Traités de paix, caractérisée par la lutte d'influence de deux hommes: WILSON pour les Etat-Unis, CLEMENCEAU pour la France:
WILSON, le Président américain, moraliste, idéaliste, naïf, peu au courant des affaires d'Europe (2), rêve d'un monde où la démocratie pourrait s'épanouir sous la protection d'une "Société des Nations". Son rêve était résumé dans ses "14 points". Face à lui, CLEMENCEAU, Président du Conseil Français, réaliste, anticlérical (3), redoute ce qu'il appelle "la noble candeur" de WILSON avec lequel, toutefois, il entretient des rapports amicaux.
En ce qui concerne l'Allemagne, un des premiers problèmes débattus fut celui de ses nouvelles frontières. Le Maréchal FOCH estimait que, pour éviter le retour d'une invasion, il fallait dresser, occuper et organiser "une barrière sur la route de l'invasion" : le Rhin. Un collaborateur de CLEMENCEAU, André TARDIEU, proposa le Rhin comme frontière, occupée en permanence par une force interalliée, et, le 12 Mars 1919, il précisa que les populations rhénanes formeraient un ou plusieurs Etats, indépendants du Reich, sous la protection de la S.D.N.
Ce plan se heurtait à la répugnance des Alliés (Etats-Unis, Grande-Bretagne) qui ne voulaient pas entendre parler d'une frontière militaire sur le Rhin. La création d'un Etat tampon sur le Rhin entretiendrait une agitation perpétuelle et susciterait d'innombrables conflits. Pour écarter le plan de FOCH, mollement défendu par TARDIEU, Lloyd GEORGE suggéra d'y substituer la garantie conjointe de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis contre une agression allemande. WILSON accepta le principe d'une garantie diplomatique qui permettrait à la France d'abandonner ses prétentions à la frontière rhénane.
La paix fut signée à Versailles le 29 Juin 1919. L'Alsace-Lorraine était restituée à la France. La Sarre fut détachée de l'Allemagne et soumise pour 15 ans au contrôle de la S.D.N., puis à un plébiscite.
Mais les Etats-Unis nous réservaient une mauvaise surprise : le Sénat américains refusa d'entériner le Traité de Versaille, le 19 Novembre 1919, puis de nouveau le 19 Mars 1920. De ce fait, elle n'adhérait pas à la S.D.N., et ne reconnaissait pas la garantie donnée à la France par ce traité.

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1) Nombre de tués français : 1 193 000.
(2) En particulier, il ignorait complètement l'existence de la Slovaquie.
(3) Il veut abattre à tout prix la monarchie des Habsbourg, puissance catholique.

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A partir de 1920, les relations franco-américaines vont de mal en pis, car la France respecte mal ses dettes de guerre. Certes celle-ci s'acquitte sans tarder de celles qu'elle avait contractées auprès des banques américaines avant l'entrée en guerre des Etats-Unis, mais elle est moins pressée de rembourser les 21 milliards qui lui sont réclamés pour fourniture de matériel de guerre.
La France comptait sur les 80 milliards que l'Allemagne nous devait à titre de réparations. Mais celle-ci, exsangue, avec une monnaie qui s'effondre en 1923, était incapable et aussi peu désireuse de tenir ses engagements vis-à-vis de la France. Les Américains qui n'avaient pas ratifié le Traité de Versailles ne voulaient pas entendre parler de ce détail. Les rapports entre Paris et Washington s'aigrissent.
A la suite du plan DAWES en 1924, l'Allemagne paie bien les réparations de 1925 à 1930, et la France utilise ces sommes pour rembourser les Etats-Unis. Le plan YOUNG de 1929 détermine les paiements de l'Allemagne désormais échelonnés jusqu'en 1988 ; mais ce projet s'effondre du fait de la crise économique mondiale qui se déclenche le jeudi 24 Octobre 1929 à Wall Street.
A partir de cette date, tous les débiteurs refusèrent de payer leurs dettes, et ce fut le gel des relations entre les Etats-Unis et l'Europe au même temps où, le 30 Janvier 1933, Adolf HITLER devenait Chancelier du Reich.
A partir de cette date, c'est la montée des périls. L'Amérique est écrasée par la crise économique, écoeurée par ses anciens alliés qui ne paient pas leurs dettes. Elle renonce à ces dernières et tourne le dos à l'Europe. Les relations politiques franco-américaines deviennent insignifiantes. Une conférence à Genève sur le désarmement échoue en 1934. L'année 1934 est une année tragique pour la France : troubles intérieurs (6 Février 1934) ; à l'extérieur, assassinat du Chancelier DOLLFUSS par les Nazis autrichiens (25 Juillet 1934), disparition de deux grands souverains amis de la France : le Roi ALBERT 1er de Belgique (18 Février 1934), assassinat à Marseille du Roi ALEXANDRE 1er de Yougoslavie (9 Octobre 1934).
La situation de la France s'amoindrit, face à HITLER qui quitte la S.D.N. en 1933, envahit la zone démilitarisée de la Rhénanie en 1936, sans réaction des Alliés. En 1938, l'Allemagne annexe l'Autriche (Anschluss), puis la Tchécoslovaquie (1939), sans que les démocraties n'agissent autrement qu'en allant s'humilier devant HITLER à Munich (Septembre 1938). ROOSEVELT, qui y voit clair, en cette occurrence, décide d'aider secrètement la France et l'Angleterre en facilitant leur armement et en leur consentant des arrangements financiers. C'est le début de l'érosion de l'isolationnisme américain, mais cela est lent et limité, car le Congrès à Washington tient à maintenir la loi de neutralité.


La Deuxième Guerre Mondiale (1939-1945)
L'invasion de la Pologne par les Allemands le 1er Septembre 1939 entraîne enfin une réaction : la France et l'Angleterre déclarent la guerre à l'Allemagne le 3 Septembre. Ces événements n'ébranlent guère l'isolationnisme américain. Tout au plus le Congrès lève-t-il l'embargo sur les armes. Mais la France ne reçoit pas les avions américains qu'elle attendait. La défaite de la France en 1940 consterne les Etats-Unis qui, soudain, se sentent menacés. L'effacement de notre pays leur pose bien des questions, et notamment celle de savoir qui est la France maintenant: celle du Maréchal PETAIN ou celle du Général de GAULLE ? La félonie britannique de Mers-el-Kébir (3 Juillet 1940) navre les Américains. Comme l'écrit Robert Murphy, chargé d'affaires des Etats-Unis à Vichy, puis consul général à Alger :
"Ce fut peut-être l'erreur anglaise la plus funeste de la guerre, car elle mina simultanément l'influence des modérés pro-Anglais à Vichy, et celle de de Gaulle à Londres..." (1).

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(1) Robert MURPHY "un diplomate parmi les Guerriers".

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Washington entretient un ambassadeur à Vichy, l'Amiral LEAHY, et, tout en facilitant le ravitaillement de la France bloqué par les Anglais, s'efforce en vain de décourager les concessions du gouvernement de VICHY à l'Allemagne, et lorsque LAVAL revient au pouvoir en 1942, Washington rappelle son ambassadeur.
C'est alors que les Etats-Unis, avec le consentement du Premier Ministre Britannique, vont prendre, peu à peu, la relève de l'hégémonie de la Grande-Bretagne sur la France, si importante et souvent si désastreuse, pendant l'entre-deux-guerres. Quatre hommes vont être les agents de cette nouvelle hégémonie sur la France : ROOSEVELT, MARSHALL, EISENHOWER et MURPHY.
ROOSEVELT, Président depuis 1932, et réélu en 1936, avait dû mener, sur le plan intérieur, un rude combat pour le redressement économique et social, après la grave crise de 1929. Sur le plan extérieur sa conviction était faite : l'Allemagne était un danger militaire pour la paix mondiale. Il fallait surtout éradiquer l'idéologie nazie. Cependant Roosevelt doit compter avec l'opinion et le Congrès, hostiles à tout engagement susceptible d'entraîner les U.S.A. dans une guerre européenne.
Après l'effondrement de la France et de ses Alliés (1) en Juin 1940, et la mise en place du gouvernement de VICHY, Roosevelt est pris dans l'engrenage d'une intervention menaçante dans les affaires françaises, mais d'un autre côté le Président reconnaît la légitimité constitutionnelle du gouvernement PETAIN.
Comment aussi les Etats-Unis ne seraient-ils pas tentés d'occuper "la chaise vide" laissée par les Britanniques depuis la rupture de leurs relations diplomatiques avec la France, au lendemain de Mers-El-Kebir ?
Les diplomates et consuls américains restés en France, à l'époque où le Maréchal PETAIN est âgé et influençable, et où le Général de GAULLE n'est suivi que par une minorité, sont ouverts à "une troisième voie" (2), celle-là même qui a la faveur de Roosevelt. Ainsi le Président ne refuse pas d'apporter sa caution et sa protection à de hauts fonctionnaires de Vichy (comme le gouverneur de l'A.O.F. Pierre BOISSON) qui rendent "d'éminents services" (2) à la cause alliée. D'où la fureur de Washington quand de GAULLE n'hésitera pas à le faire arrêter et emprisonner en 1943 (3).
Vis-à-vis de de GAULLE, Roosevelt ne va pas tarder à faire preuve d'une antipathie de plus en plus marquée, ne tenant pas compte de l'effort de guerre des Forces Françaises Libres. Il le considérait comme "un ambitieux isolé, à la fois irréaliste et dépouvu de tout caractère représentatif' (2).
De GAULLE éliminé dans l'esprit de Roosevelt, Washington recherche un général français susceptible de remettre la France dans la guerre.
Dans ce but, l'Amiral LEAHY prend contact avec le général de la LAURENCIE, "le flatte, le tente, et veut en faire un concurrent de de GAULLE comme chef de résistance" (2).
Ces pourparlers prirent fin par l'arrestation de la LAURENCIE par la police de Vichy.
Robert MURPHY, homme de confiance du Président, consul en poste à l'ambassade des Etats-Unis à Paris, puis à Vichy, est nommé consul général à Alger (Décembre 1940), et représentant personnel du Président Roosevelt. Or, à Alger, règne le Général WEYGAND, délégué général pour toute l'Afrique française. Roosevelt a fondé une partie de ses espoirs sur ce valeureux soldat, voyant "en Afrique du Nord les plus grands espoirs de relancer les troupes françaises dans la guerre contre l'Allemagne nazie" (2).

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(1) Belgique, Pays-Bas, Luxembourg.
(2) Claude PAILLAT: "La France dans la Guerre américaine", R. LAFFONT, 1989.
(3) Il sera traduit en Haute-Cour en 1945.

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Le 10 Mars 1941 est signé à Vichy ce qu'on a appelé "l'accord Murphy-Weygand". L'Afrique du Nord recevra une aide américaine, limitée à l'essentiel. Murphy profite de son poste pour quadriller l'Afrique par une équipe de vice-consuls et de consuls américains installés de Casablanca à Tunis.
Mais Weygand, sur la pression allemande, est limogé le 18 Novembre 1941 et assigné à résidence en Provence.
C'est alors que le 12 Février 1942, Leahy transmet à Weygand une proposition de Roosevelt de retourner à Alger et "d'y prendre le commandement avec l'appui militaire et économique des Etats-Unis".
Weygand rejeta très courtoisement l'offre de Roosevelt, expliquant qu'il n'était "qu'un citoyen banal et totalement dévoué au Maréchal".
Roosevelt, après ces deux échecs, La LAURENCIE et WEYGAND, ne se décourage pas, et Murphy continue son travail de taupe.
MARSHALL, "l'organisateur de la Victoire", est depuis le 1er Septembre 1939, chef d'état-major de l'armée de terre des Etats-Unis.
Ancien combattant de 1917-1918, le colonel MARSHALL est chef d'état-major du 1er Corps d'Armée et participe à ce titre à la bataille de Saint-Mihiel. Puis il passe à l'état-major de PERSHING, rencontre souvent le Maréchal PETAIN, pour lequel il éprouve une grande admiration. Tout en déplorant les agissements de Vichy, il sera toujours convaincu que "le vieux maréchal n'a jamais cessé à Vichy de penser avant tout au salut de son pays".
C'est la raison pour laquelle il conservera la même attitude que celle de son Président vis-à-vis de de GAULLE (pour la modifier ainsi que beaucoup d'autres à la libération de la France).
CHURCHILL ayant demandé une conférence avec Roosevelt pour déterminer une stratégie anglo-américaine commune, cette conférence se déroula dans la semaine de Noël 1941 à la Maison-Blanche. Au cours du déjeuner de Noël entre diplomates et militaires anglais et américains arrive la nouvelle de la prise de Saint-Pierre et Miquelon par les Gaullistes, ce qui provoque la fureur du Département d'Etat contre de GAULLE.
CHURCHILL désire obtenir des renforts pour l'Afrique pour éliminer l'Afrika Korps. Marshall refuse. L'objectif pour les Américains, c'est un débarquement en France.
D'autre part, s'appuyant sur les échecs britanniques en Afrique et en Crète, Marshall insiste pour la création d'un comité militaire unique. Après bien des réticences, Churchill finit par accepter. Marshall a gagné.
Mac-Arthur est nommé à la tête du théâtre du Pacifique, Eisenhower à celui du haut commandement allié en Europe. Désormais la Grande-Bretagne passe au second plan.
EISENHOWER: En Janvier 1942, Eisenhower, contrairement à Mac-Arthur ou à Marshall, n'est qu'un général inconnu. Il n'est d'ailleurs promu au grade de major-général qu'à cette date.
Contrairement à Mac-Arthur, Marshall et Patton, il ne participe pas à la guerre en 1917-1918. Il n'est que capitaine en 1919, mais en 1933, il est adjoint de Mac-Arthur, et l'accompagne aux Philippines (1936-1939).
Colonel en 1941, il est appelé après Pearl Harbor à Washington par Marshall qui l'envoie le 8 Juin 1942 "faire le point à Londres", en réalité prendre la tête du "second front".
Les acteurs étant en place, il s'agit maintenant, pour les Américains, après la Laurencie, après Weygand, de trouver le troisième homme.
L'évasion spectaculaire du Général Henri GIRAUD en avril 1942 leur en fournit l'occasion.
De Gaulle, ancien subordonné de GIRAUD à Metz, ordonne au B.C.R.A. (1) de contacter le général et de le faire venir à Londres. Giraud répond : "De Gaulle, je le mettrai à ma botte".
Roosevelt s'enthousiasme à la lecture de l'évasion du Général. Or celui-ci entre tout à fait dans les vues américaines en constituant une troisième force entre le gaullisme et le pétainisme.
Giraud conçoit d'abord un plan irréaliste basé sur un soulèvement général des pays occupés par le III Reich, au travers des différents mouvements de résistance.
Mais il rencontre successivement Lemaigre-Dubreuil, Rigault, le Général MAST (ancien co-détenu de Giraud). Ce dernier prend contact avec MURPHY, lui garantissant que "Giraud était le chef qualifié pour prendre le commandement en Afrique".
GIRAUD trouve un autre thuriféraire dans le général de MONSABERT.
Dans l'opération "Torch" qui se prépare, soit le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, le "complot français" avec le général GIRAUD, dont MURPHY est le vrai chef d'orchestre, prend un intérêt grandissant, d'autant plus que l'amiral LEAHY a informé Washington que le Maréchal ne quittera pas Vichy et fera ouvrir le feu sur tout agresseur, fût-il américain.
Quant à de Gaulle, les Américains refusent qu'il soit mis dans le secret de "Torch".
De Gaulle éliminé, Giraud en principe adopté, mais sans aucune responsabilité dans les opérations de débarquement, un troisième personnage se dessine : l'amiral DARLAN.
L'amiral, en Juillet 1941, avait lancé à LEAHY que, si ses compatriotes débarquaient en Afrique du Nord, il voudrait bien envisager de passer du côté des Etats-Unis.
Au retour de Laval en Avril 1942, Darlan fera de nouveaux "pas" en direction des Américains silencieux. Mais Darlan ne sera pas informé de l'opération "Torch". Il n'y a pas eu d'accord Etats-Unis-Darlan, au contraire de celui qui, même imprécis et flou, existait avec GIRAUD (2).
Mais trois jours avant le déclenchement de "Torch", le 5 Novembre 1942, l'amiral DARLAN arrive à Alger, au chevet de son fils mourant.
Le 7 Novembre 1942, GIRAUD arrive à Gibraltar en sous-marin. Après ces discussions ardues avec Eisenhower, Giraud accepte le commandement des forces françaises en Afrique du Nord et de gouverneur de la région.
Dans ce cadre, l'opération "Torch" se déroule dans la nuit du 7 au 8 Novembre 1942 à Casablanca, Oran et Alger. Les troupes françaises (y compris la marine), appliquant les ordres, résistent.
A Casablanca, malgré BETHOUART, des combats meurtriers se déroulent, affectant surtout la Marine.
A Oran, si les Américains débarquent sans coup férir à Arzew, en revanche de sérieux combats ont lieu entre les unités des deux Marines.

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(1) B.C.R.A. - Bureau Central de Renseignements et d'Action (Services spéciaux des FFL).
(2) Contrairement à ce que lui avait promis MURPHY.

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A Alger, où un complot français favorable au débarquement était en place, les troupes américaines débarquent dans trois secteurs : mais si cela se passe bien à Sidi-Ferruch, dans les autres secteurs, il y a bataille (1).
DARLAN qui, le 10 Novembre 1942, a pris l'autorité en Afrique du Nord "au nom du Maréchal" donne l'ordre enfin à toutes les forces armées de cesser le combat contre les forces américaines, et de s'allier avec elles contre l'Axe.
La France (2) est ainsi remise massivement dans la guerre.
Le pouvoir de l'Amiral sera bref. Il sera assassiné le 24 Décembre 1942, laissant ainsi l'autorité suprême au général GIRAUD.
Mais la guerre est là, les Allemands ont envahi la Tunisie. GIRAUD crée le corps franc d'Afrique où va s'illustrer MONSABERT, ainsi que le bataillon BIZERTE (fusiliers marins) et les tabors marocains. Ces unités attaquant à l'Ouest tandis que la 1re DFL et la force L du Général LECLERC agissent à l'Est et au Sud-Est, la France, dans le cadre allié, participe à la libération de la Tunisie qui est achevée le 20 Mai 1943.
Les accords d'ANFA conclus en Janvier 1943 entre les Américains et Giraud prévoient la constitution d'une armée de trois divisions blindées et de huit divisions d'infanterie motorisée, entièrement équipées de matériel américain, et la modernisation aux Etats-Unis de la Marine Française (2/5 de la Marine de 1939). Ces unités vont combattre brillamment aux côtés des Américains et des Britanniques en Italie, sous les ordres de JUIN, puis en France et en Allemagne, sous les ordres de de LATTRE et de LECLERC.
Sur le plan politique, de GAULLE a réussi à éliminer GIRAUD en 1944. Malgré cela, Roosevelt mena une action systématique contre le Chef de la France libre et fit tout pour l'empêcher de jouer un rôle politique. Il a notamment cherché à lui opposer Jean MONNET. Il interdit aux Grandes Puissances de reconnaître "le Comité Français d'ALGER" en qualité de gouvernement provisoire de la France.
Lors du débarquement sur le sol français, le 6 Juin 1944, il voulait que notre territoire, comme celui de l'Italie, fut occupé et gouverné par l'armée américaine qui avait déjà frappé la monnaie d'occupation (A.M.G.O.T.) (3). Les Américains n'envisageaient cette solution qu'au cas où les Français n'auraient pu mettre en place un gouvernement même provisoire.
Il fallut le triomphe réservé par la population à de GAULLE lors de la libération de Paris (25 Août 1944) pour que ROOSEVELT admette l'évidence.
De GAULLE replace la France au nombre des Grandes Puissances grace à l'aide des Britanniques, mais aussi des Américains. Son gouvernement provisoire installé à Paris est reconnu par les trois grands Alliés le 23 Octobre 1944. Le 11 Novembre, la France est admise à la "Commission Consultative Européenne" qui doit régler le sort de l'Allemagne. CHURCHILL et ROOSEVELT convainquent STALINE d'admettre notre pays parmi les puissances occupantes d'Allemagne.
Ceci dit, la France ne fut pas conviée à la Conférence de Yalta à laquelle, du 4 au 11 Février 1945, ROOSEVELT, CHURCHILL et STALINE prirent de graves décisions concernant l'avenir de l'Allemagne et celui des pays d'Europe orientale occupés par l'U.R.S.S.
De GAULLE, offensé d'en avoir été exclu, refusa de se rendre à une convocation de ROOSEVELT à Alger, sur le sol français. De son côté, ROOSEVELT se méfiait de la France qui comptait alors environ 20 % d'électeurs communistes. D'ailleurs, en raison de la participation de communistes à son gouvernement provisoire, de GAULLE décida de ne pas prendre parti dans la querelle qui grandissait entre les Etats-Unis et l'U.R.S.S. et s'efforça de pratiquer une politique de balance, dont le traité franco-soviétique de Décembre 1944 constituait un élément important.

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(1) Dans l'ensemble de l'Afrique du Nord, il y eut quand même 700 tués et 20 navives coulés du côté anglo-américain. Les pertes françaises se montèrent à 1 300, et celles en navires sensiblement plus lourdes.
(2) Soit les troupes de l'Armée d'Afrique et un Corps d'Armée des Forces Françaises Libres.
(3) "American Government In Occupied Territories".

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Les Américains avaient pu se rendre compte de la valeur de la nouvelle Armée Française. Aussi autorisèrent-ils le Chef de la 1re Armée Française, le Général de LATTRE de TASSIGNY, à signer à Berlin le 9 Mai 1945 l'acte de capitulation des Armées Allemandes, aux côtés des généraux alliés.
1946-1958



La France et les Etats-Unis sous la IV République (1946-1958)
La Ve République, née le 1er Janvier 1947, était caractérisée par un exécutif faible et instable, paralysé par le Parlement, et pourtant cette République sut entraîner peu à peu la France dans le camp américain.
En 1947, TRUMAN met fin aux concessions accordées aux Soviétiques et inaugure la politique du "Containment", à savoir de la résistance et de la réaction aux prétentions de l'U.R.S.S. C'était la fin de l'alliance de la guerre et le début de la guerre froide et du plan Marshall, toutes choses qui recueillaient la sympathie de la plupart des Français qui s'accommodaient mal de la place prise par le parti communiste au lendemain de la guerre.
En 1947, les ministres communistes sont évincés du gouvernement , Georges BIDAULT, ministre des affaires étrangères, abandonne progressivement la politique de balance entre l'Est et l'Ouest pour se rallier de plus en plus aux thèses américaines. Robert SCHUMAN, qui lui succède en Juillet 1948, était encore plus attiré que lui par l'idée d'une alliance avec les Etats-Unis, et c'est ainsi que la France et les Etats-Unis sont, avec dix autres pays, les fondateurs du "Pacte de l'Atlantique", le 4 Avril 1949. Bien que ce texte n'accorde pas aux Européens une garantie automatique, il constitue pour eux un gage de sécurité, et l'espoir de ne pas être exposés sans défense à une éventuelle attaque soviétique.
La France se lance dans une politique nouvelle d'unification de l'Europe en même temps qu'elle cède à ses traditions en s'efforçant de s'opposer à l'effritement de son empire colonial. Or, les Américains cherchent à intervenir plus ou moins directement dans ces deux domaines. Cela se voit, se sent, et bien sûr nous indigne. De plus, le Pacte Atlantique étoffe ses structures en Décembre 1950 par la création de l'OTAN et du SHAPE, quartier général américain qui s'installent tous deux, l'un à Paris (Porte Dauphine), l'autre à Rocquencourt.
Un élément positif dans les relations franco-américaines a été la nomination par le Général de GAULLE de Jean MONNET à la tête du "Plan d'expansion économique". A partir de 1948, l'équipement industriel de la France se fait en liaison avec le plan Marshall, or l'équipe de MONNET entretient d'excellents rapports avec les Américains qui considèrent que ses efforts en faveur de l'intégration européenne endiguent le communisme et renforcent le Pacte Atlantique.
En 1950, le "plan Schuman", qui prévoit la création d'une autorité européenne supra nationale pour la production et la vente du charbon et de l'acier (CECA), va dans le même sens. C'est l'origine de "l'Europe des Six" que l'Angleterre boude. Les Américains prennent conscience du fait que la défaite de Juin 1940 n'a pas tué chez les Français le génie créateur que manifestent des hommes comme Robert SCHUMAN et Jean MONNET.
Les Américains appuient un projet de "Communauté Européenne de Défense" (CED), inspiré à PLEVEN par MONNET et qui est adopté le 27 Mai 1952 dans un traité de Paris. Il s'agit de créer une armée européenne intégrée. Le gouvernement américain désire tellement que ce projet aboutisse qu'il fit pression sur le gouvernement français pour proposer le traité à la ratification du Parlement. Or l'opinion française était très divisée sur ce point (1). En 1954, lorsque MENDES-FRANCE le proposa au Parlement, le traité fut rejeté.

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(1) Même le Maréchal JUIN à l'époque y était très opposé.

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En revanche, les Américains se réconcilient avec nous lorsque, en 1955, MONNET présente aux "Six" ses projets de "Marché Commun" et d"'Euratom".
La guerre de Corée (1950-1953) fut une occasion de plus pour les Américains et les Français de combattre côte à côte. Cela débuta par l'attaque dirigée le 25 Juin 1950 de la Corée du Nord communiste contre la Corée du Sud.
La riposte de TRUMAN fut aussi rapide qu'habile. Profitant du fait que les Soviétiques se trouvaient à ce moment même absents du Conseil de Sécurité des Nations Unies, et dans l'incapacité d'y exercer leur veto, il fit aussitôt condamner par cet organisme l'agression communiste et organiser par les Nations Unies une résistance internationale par les armes. Les troupes américaines stationnées au Japon débarquèrent en Corée sous les ordre du Général MAC-ARTHUR, et entreprirent de contenir, puis de refouler les envahisseurs.
Un bataillon français, dit "bataillon de l'O.N.U.", fut constitué, formé de volontaires, sous les ordres du Général MAGRIN-VERNERET dit MONCLAR, et partit pour la Corée où il devait s'illustrer.
Quant à l'Indochine, bien que les Américains soient tout à fait favorables à la décolonisation, ils se rendent compte malgré tout que la France dans ce pays lointain lutte contre l'expansion du communisme en Extrême-Orient. Aussi contribuèrent-ils largement au financement du Corps Expéditionnaire Français, et se tinrent prêts à intervenir militairement, notamment en 1954 pour soulager DIEN-BIEN-PHU. Mais les conditions politiques ne le permettaient pas.
La chute de Dien-Bien-Phu (7 Mai 1954) devait amener au pouvoir MENDES-FRANCE et la conclusion des accords de Genève (Juillet 1954). On octroie au Viet-Minh le Tonkin et le Nord-Annam jusqu'au 16' parallèle. Six ans plus tard, en 1961, les Etats-Unis devaient prendre le relais de la France au Viet-Nam.
Cependant, à partir de la Conférence des pays sous-développés à Bandoeng en 1955, les Américains deviennent de plus en plus intransigeants en matière de décolonisation.
Les rapports franco-américains subirent une crise grave lorsque, à la suite de la nationalisation du Canal de Suez par NASSER en Juillet 1956, la France, l'Angleterre et Israël attaquèrent l'Egypte ; leurs troupes ne s'arrêtèrent aux portes du Caire que sous la menace de l'U.R.S.S., et dans une moindre mesure des Etats-Unis (Octobre 1956).
En Algérie, où la France est engagée dans une nouvelle guerre subversive depuis le 1er Novembre 1954, les Américains tentent d'offrir leurs "bons offices" après le bombardement par l'aviation française de Sakiet-Sidi-Youssef, localité frontalière tunisienne d'où partaient des raids et des tirs contre l'aviation et les troupes françaises (Mars 1958).
Cette nouvelle intervention américaine, jointe au massacre de prisonniers français par le F.L.N., suscite une rébellion des Français d'Algérie contre Paris. Ce fut le 13 Mai 1958.

La France et les Etats-Unis sous la Ve République (1958-1969)

C'est alors que le Général de GAULLE revient au pouvoir en 1958, d'abord en tant que dernier Président du Conseil de la IV République, puis comme premier Président de la V. C'est à tort que certains ont assimilé le nouveau régime français au régime présidentiel américain : la France reste centralisée, le gouvernement reste responsable devant l'Assemblée Nationale.
A priori, le retour du Général de GAULLE aux affaires n'est guère du goût des Américains. Pourtant tout commence bien. Ceux-ci sont enchantés de l'indépendance accordée à l'Algérie (1962) et aux autres territoires d'Afrique (1960). Les réformes économiques françaises de 1958, la nécessité de l'Alliance atlantique proclamée par de GAULLE, l'antipathie qu'il éprouve et déclare en ce qui concerne le communisme, ses vues philosophiques à l'échelle du Monde, tout cela rend de GAULLE extrêmement populaire aux Etats-Unis.
Pourtant, les choses se gâtent assez vite. Les Américains tiennent à conserver le monopole de l'atome, or la France est résolue à s'en doter et réussit à le faire seule. En Septembre 1958, de GAULLE propose au Président EISENHOWER de substituer au leadership américain à l'OTAN un directoire à trois : U.S.A., Grande-Bretagne et France (1). Ce projet fut refusé. Elu en 1961, KENNEDY admire de GAULLE, mais, dès 1962, la tempête éclate alors que KENNEDY dévoile son "grand dessein". Il offre "un partnership Atlantique mutuellement profitable entre le nouvelle Union qui émerge en Europe et la vieille Union américaine fondée il y a 175 ans..." C'était la doctrine dite des "deux piliers". En réalité, le fonctionnement était prévu de telle sorte que l'Amérique conservait l'exclusivité de l'atome. De GAULLE refuse, car, pour lui, Washington proclamait la nécessité d'une hégémonie américaine. KENNEDY riposta en s'annexant l'Angleterre de Mac-Millan à la conférence qu'il eut avec lui à Nassau (2) du 18 au 21 Décembre 1962 : la Grande-Bretagne devenait un "satellite des Etats-Unis".
De GAULLE montre sa rancoeur. Il s'abstient en particulier de participer aux cérémonies qui marquèrent le 20 Anniversaire du débarquement en Normandie (1964). Il reprend l'offenive contre le défi américain : il exige le départ de France des organisations militaires dirigées par les Américains : OTAN (1966), tout en affirmant sa fidélité au Pacte Atlantique. Son voyage en U.R.S.S., en Juin 1966, inquiète Washington. Son discours de Pnom Penh du 1er Septembre 1966, très sévère à l'égard de l'ingérence américaine au Viet-Nam, déclenche la fureur outre-Atlantique. Son voyage au Canada et le "Vive le Québec libre" suscitent l'étonnement de Washington.
De plus, de GAULLE souligne durement l'attitude des Américains qui exportent leur inflation dans le Monde où ils exercent leur influence monétaire, ce qui accélère l'érosion inquiétante de leurs ressources d'or. Ils exigent donc le remboursement en métal précieux d'une grande partie de nos réserves en devises papier.
Bien que de GAULLE refusât l'hégémonie américaine, il n'était pas pour autant antiaméricain, surtout lorsque l'intérêt général était en jeu. Ainsi, lors de l'ultimatum américain au sujet des missiles entreposés à CUBA, la France fut la première à dire au Président KENNEDY que, si l'incident s'envenimait, la France et ses forces seraient aux côtés des Etats-Unis.
Les événements de Mai 1968 inquiétèrent Washington qui se demanda ce qui se passerait si, à la faveur de cette rébellion, la France basculait dans le camp communiste. Washington fut soulagé lorsque le calme fut revenu, et c'est très sincèrement que le Président JOHNSON adressa à de GAULLE ses félicitations.
A partir de là, et jusqu'à ce qu'il quitte le pouvoir le 4 Avril 1969, jamais plus le Général de GAULLE n'attaqua les Etats-Unis. L'un de ses derniers actes politiques fut même de maintenir la France dans l'Alliance Atlantique.

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(1) Ayant compétence pour le Monde Entier.
(2) Aux Iles Bahamas.
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http://www.w3perl.com/www/histoire/ameriques/relations.html

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